Bienne et Genève

Les rives du lac de Bienne m’ont toujours attiré. Les courbes harmonieuses des montagnes et du lac, les couleurs chatoyantes des vignes et de l’eau, les contours de l’île Saint-Pierre invitent à la rêverie. Je profite d’une journée de beau temps pour aller spontanément les explorer. Mon périple commence par un trajet en bateau pour rejoindre l’île. Romantique à souhait, le lieu dégage une énergie toute en douceur qui s’estompe au fur-et-à mesure que je m’en éloigne en longeant la langue de terre qui relie l’île à la terre ferme. Le temps est lourd et je me décide à retirer mon débardeur et mes chaussures à l’entrée de la forêt de Jolimont. A peine engagé sous les premiers arbres, je suis saisi du contraste avec l’énergie de l’île. L’air est beaucoup plus dense. La forêt me donne un sentiment de bien-être et d’ancrage. Je perçois d’autant mieux son émanation que je m’y promène en tenue décontractée avec un sac léger. Mes pas me mènent au Teufelsbürdi, un ensemble de trois blocs de pierres erratiques.  Je me love au creux des roches entourées de hêtres pour m’imprégner de leur essence. Le lieu est connu pour ses hautes fréquences vibratoires. Des cultes y étaient célébrés déjà à l’époque celtique. Je suis fasciné par la douceur du minéral avec lequel j’ai un contact étonnamment sensuel. L’exploration de la nature est pour moi indissociable de l’exploration de mes sens. Je me délecte du contact du sol sous mes pieds, je me trempe dans les fontaines, je m’appuie de tout mon long contre l’écorce des arbres. C’est mon corps tout entier qui est sollicité pour entrer en résonance avec la forêt.

La région des trois-lacs est mon terreau. Je m’y sens physiquement relié. Elle a pour moi une texture et une qualité qui manquent à d’autres panoramas, si majestueux qu’ils soient. Un beau paysage ne saurait remplacer ma terre.

Autre sentiment lorsque je visitais la semaine précédente Genève, située au bout d’un autre lac. Au fur et à mesure que je grimpais vers la vielle ville, je me sentais déphasé. J’étais carrément mal en visitant la cathédrale chargée de l’histoire de la Réforme. Ma traversée de la forêt de Jolimont me permet de mettre des mots sur mon malaise. La cité de Calvin irradie pour moi une énergie très mentale, presque désincarnée. Une énergie qui a fait le succès des idées du protestantisme et que je devine, sous une forme dévoyée, dans le monde du luxe et de la finance qui a supplanté celui de l’Eglise dans la cité. La ville a son charme, mais mon humus est tout simplement ailleurs.

Genève et Jolimont m’ont ému toutes les deux à quelques jours d’intervalle. Au sentiment de séparation a succédé celui de la communion.

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