La circulation de l’énergie

Les questions énergétiques sont dans l’angle mort du management. Sans doute parce qu’elles relèvent du domaine du ressenti et qu’elles ne peuvent pas être saisies par une démarche intellectuelle.  Leur perception diffère d’une personne à l’autre. Mais ce n’est pas parce qu’on n’en parle pas que ces énergies n’existent pas et qu’elles ne sont pas à l’œuvre dans les organisations.

Le terme d’énergie peut être compris et interprété de différentes manières. Il désigne ici une dynamique, une force ou un flux qui émane des personnes et des lieux et qui circule entre eux dans un échange continu. Invisible à l’œil nu, l’énergie fait appel à d’autres sens. Tout le monde comprend par exemple quand on parle d’une atmosphère de travail lourde sans qu’il soit nécessaire de décrire avec précision comment chacun la perçoit. L’énergie peut dynamiser et fluidifier la collaboration tout comme elle peut la bloquer. Elle peut être élevée comme elle peut être basse.

L’énergie est comparable à un flux sanguin qui coule dans l’organisation : il influence son humeur, sa santé et sa vitalité. Il peut être canalisé mais pas dicté : il ne dépend pas d’un acte de volonté. Il passe par des cycles d’activité et de repos. Il est plus ou moins soutenu selon la nature des canaux où il circule. Si l’organisation est un organisme, l’énergie est le fluide vital qui l’anime.

Il est possible avec certaines pratiques d’agir sur l’énergie de l’organisation et de l’influencer. A l’image des arts martiaux, elles demandent de travailler avec elle plutôt que de chercher à la maîtriser. La décision symbolique ou le rituel décrits en début de manuel en font certainement partie. D’autres pratiques sont évoquées dans ce qui suit.

Une clé de la transformation organisationnelle consiste à trouver et inventer des mots à mettre sur les énergies qui circulent dans l’organisation. Il y a des réunions qui se passent mal. Il y a des lieux où il est difficile de travailler ou de se rencontrer. Plutôt que de passer ce malaise sous silence comme s’il n’existait pas, un premier pas consiste à le verbaliser. Exprimer que l’on se sent oppressé dans un endroit, qu’une discussion prend une tournure difficile ou que l’on a un mauvais sentiment ne tombe pas toujours à plat. Cela peut libérer la parole, inviter et aider le groupe à partager sur un autre plan: celui de ce que le ventre, l’intuition ou le corps perçoivent. Pour autant que le groupe ait la maturité de s’aventurer sur ce terrain, la convergence des ressentis peut être surprenante. C’est un peu comme si on commence à explorer et nommer l’éléphant au milieu de la pièce tout en sachant que chacun tient celui-ci par un autre bout selon la parabole bien connue des sages tâtant le pachyderme.

Ce type d’échange permet de vérifier si l’énergie circule entre les personnes ou si elle est bloquée, si un lieu est adéquat ou non pour ce que l’on prévoit d’y faire. Il permet de conscientiser ce qui se joue au niveau non-verbal et d’agir dessus. Par exemple, en constatant que certaines personnes donnent une dynamique différente au groupe lorsqu’elles partagent ses délibérations. Ou alors qu’un lieu est trop sombre, trop chargé ou trop froid pour favoriser un bon travail ou une bonne discussion. Le seul constat permet déjà de faire exister pour le groupe ce que ses membres ressentent.  La verbalisation permet de vérifier que les ressentis ne sont pas seulement personnels mais aussi collectifs. Elle permet de réfléchir à la manière d’aménager les lieux et à la façon d’impliquer les personnes pour faciliter le travail.

Il est possible de travailler de manière très simple sur l’énergie ou l’atmosphère d’un espace ou d’une réunion pour autant que cela soit fait de manière consciente et intentionnelle. Cela passe par la manière d’accueillir les gens, de décorer le lieu ou de disposer le mobilier. Les notions du feng-shui sont aujourd’hui suffisamment vulgarisées pour permettre à chacun de comprendre, sans être initié, que ces questions ne sont pas seulement des détails mais qu’elles ont un impact réel sur l’organisation et sur la manière d’y vivre ensemble.

Comment commencer à travailler avec l’énergie de l’organisation ?

Il n’y a pas de manière uniforme pour percevoir l’énergie de l’organisation et travailler avec elle. Cela peut se faire par exemple de la manière suivante :

  • Faire confiance à mon corps et à ce qu’il me dit quand je suis au travail ou que je côtoie mes collègues.
  • Parler de ce que je ressens pour vérifier si les autres perçoivent la même chose que moi.
  • Aménager les locaux pour les rendre accueillants : y mettre des couleurs, un mobilier léger.
  • Faire des petits rituels pour s’approprier un lieu (on peut penser ici au sel et à l’huile que l’on s’offre entre amis après un déménagement) ou préparer une session de travail (aérer, mettre des fleurs ou une bonne odeur, comme quand on reçoit des invités).
  • Ecouter les histoires qui circulent dans l’organisation pour se représenter la personnalité que l’entreprise aurait si elle était une personne. Jouer avec ce personnage fictif en se demandant comment il réagirait dans telle ou telle situation. Demander aux collègues comment ils l’imaginent de leur côté. L’organisation prend ainsi vie pour les personnes qui la composent. Pourquoi ne pas même lui parler de temps en temps ? Qu’elle entende vraiment ou non, ce dialogue intérieur peut m’aider à trouver ma place dans l’entreprise et à me positionner dans le rôle que je veux y jouer…

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