Je profite de ma présence dans la capitale pour visiter la cathédrale. Cela fait longtemps que je ne suis plus entré dans un lieu de culte. Je me demande comment je vais l’appréhender avec ma nouvelle posture et mes sens affinés.
En franchissant ses portes, je me sens pénétrer dans le sanctuaire du règne minéral. Entre ses murs, je ressens immédiatement la lourdeur de mon corps. Mes pas se font plus lents et mon centre de gravité se déplace vers le bas de mon anatomie. Le temps suspend sa course. J’entre dans un temps long, séculaire. Je vis à un autre rythme.
Le grès qui m’entoure me donne de la pesanteur sans me charger pour autant. Paradoxalement, le caractère minéral de l’édifice ne m’ancre pas seulement dans la matière. Il m’élève aussi. Le lieu est imprégné de l’élan des prières et des intentions qu’il accueille depuis la nuit des temps. Le majestueux portail du jugement dernier n’en est que la manifestation la plus récente. Derrière les représentations de la foi chrétienne, les murs vibrent encore d’une spiritualité viscérale vécue en communion avec la pierre, l’eau du fleuve, le souffle des hauteurs et le feu du soleil. Une symbiose particulièrement perceptible du côté de la plateforme de la cathédrale exposé à la lumière du levant, au flux de l’Aar et à la montagne du Gurten. Bien que dépouillé par le mouvement de la Réforme, l’édifice conserve le caractère composite des églises du Sud où la foi catholique cohabite avec la spiritualité des peuples premiers.
Dans le temps long du minéral, les diverses formes de spiritualité se rejoignent et s’additionnent pour vibrer à l’unisson sur une fréquence profonde. L’escalade de la tour invite à ralentir la cadence. L’horizon dégagé du sommet rappelle que l’élévation spirituelle part de la matière.
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