La tradition est un fil d’or qui traverse le temps pour nous rejoindre dans notre quotidien. Elle nous transmet des expériences, des habitudes, des refrains et des croyances qui nous structurent. Elle nous passe de bouche à oreille des récits d’autrefois qui donnent un sens et une identité à notre existence : ils expliquent d’où nous venons, pourquoi nous nous comportons comme nous le faisons. Elle nous relie à celles et ceux qui nous ont précédés. Elle nous dit de quelle communauté nous venons. Elle nous rassure. On la dit alors vivante. Il y a pourtant quelque chose de rigide et de figé dans la tradition quand elle nous retient dans la nostalgie du passé.
Sans tradition, nous sommes plus libres, mais nous sommes aussi désorientés. Il nous manque une boussole. Elle est un repère nécessaire pour nous positionner, que nous décidions de la suivre ou au contraire de nous en écarter. Qu’on l’embrasse ou qu’on la rejette, la tradition est un puissant liant. Elle survit, tapie dans les recoins de la mémoire collective, bien après que ses derniers porteurs se sont éteints.
La tradition touche tous les domaines de la vie, mais elle est particulièrement forte dans la religion comme dans la famille. Elles offrent toutes les deux des références culturelles importantes qui cimentent la société. La tradition s’y manifeste par une liturgie bien précise : il y a à l’église comme à la maison des souvenirs qu’on se remémore et des citations qu’on se répète, presque machinalement. Des petites phrases reviennent toujours à des moments précis. Les histoires, les répons et les insiders propres à chaque groupe définissent qui en fait partie et qui en est exclu. La tradition renvoie à des références qui vont au-delà du moment présent. En traversant les époques, elle nous place dans une lignée : une lignée ancestrale pour la famille et apostolique pour l’église. Chaque lignée a une teinte, une coloration, un style ou encore une texture qui lui est propre. Une caractéristique que nous reprenons volontairement ou non, consciemment ou non, lorsque nous entrons dans le clan. La filiation, le baptême ou l’acte de consécration sont autant de manières d’intégrer une lignée. Une lignée qui fait de ses nouveaux membres les dépositaires d’un héritage et d’une énergie qui existaient avant eux et qu’ils transmettront d’une manière ou d’une autre après eux.
L’appartenance à une tradition n’est pas mauvaise en soi. Elle peut nous pousser en avant autant qu’elle peut nous freiner. Tout l’art consiste à identifier quand nous avons besoin d’y puiser de la force et quand il vaut mieux nous en détacher. Ce n’est pas une tâche facile. Comme nous baignons constamment dedans, il n’est pas évident de mesurer à quel point elle nous façonne et de choisir en conscience comment nous voulons nous y relier.
Comments are closed