« Et qu’est-ce que vous nous recommandez de faire ? ». La représentante syndicale est prise de cours par la question sur un sujet nouveau pour elle. Elle a été invitée à participer très tôt dans le processus de refonte du système salarial de l’association de Pascal. Avec sa voix rauque et son regard direct, elle s’est d’emblée exprimée de manière critique sur la nouvelle forme d’organisation. Celle-ci jette un flou sur les fonctions salariales. Une incertitude qui désoriente les employés et les floue aussi puisqu’ils peuvent moins clairement se situer dans un système. Pascal et ses collègues des ressources humaines n’ont pas seulement invité une représentation du syndicat à participer à leurs réflexions, mais aussi une délégation de la commission du personnel. Ces instances sont souvent consultées en fin de processus et ont donc rarement d’autre choix que d’en torpiller les fondements. L’idée est ici de changer les rôles et de tirer le plus vite possible parti de leurs expériences.
La notion d’expérience est cependant ici toute relative. Il n’existe en effet sur le marché aucune solution standard de système salarial adaptée à la nouvelle forme d’organisation de l’association. Plutôt que d’acheter une solution prête à l’emploi mais inadéquate, Pascal et ses collègues ont préféré se faire accompagner par une spécialiste des ressources humaines prête à créer du neuf plutôt que de recycler d’anciennes recettes.
Une refonte du système salarial était agendée de longue date indépendamment du développement organisationnel en cours. S’il n’était pas impératif de mener les deux affaires de front, il y a aussi dans le cas présent une certaine cohérence à le faire.
De fil en aiguille, l’équipe de projet laisse parler sa créativité et sort des sentiers battus. Le nouveau système salarial sera simplifié au maximum : il sera constitué d’un salaire de base multiplié par un coefficient spécifique à chaque fonction. Le nombre de classes sera drastiquement réduit et les fonctions y seront ventilées selon leur impact sur la bonne marche de l’organisation. Ce seront donc les fonctions d’importance systémique qui seront honorées plutôt que celles de prestige.
La simplicité du nouveau système fait mouche. Un an plus tard, un service social demandera à l’association de pouvoir recopier son système salarial… sur recommandation de la représentante syndicale !
La question de la refonte du système salarial est souvent posée très tôt dans les processus de transformation organisationnelle. Ce n’est pourtant pas un sujet prioritaire et les réflexions suivantes doivent être prises en considération :
- Une réorganisation remet bien des choses en question et le système salarial n’est pas le premier chantier à ouvrir. Dans les organisations traditionnelles comme dans les nouvelles, les personnes sont toujours engagées sur la base de compétences spécifiques qui déterminent leur salaire. La répartition des tâches est plus fluide dans le new work, mais l’essentiel des tâches y est aussi exécuté en fonction d’un profil de base. Même dans les nouvelles organisations, une personne responsable de la communication ne va pas prendre de grandes responsabilités dans la comptabilité. Et si c’est le cas, elle changera de fonction et de contrat comme cela se fait dans les entreprises classiques.
- La fluidité des tâches permise par le new work ne doit pas avoir d’impact salarial, sauf si elle mène à un changement de fonction de base. Il est déconseillé de traduire cette fluidité dans un système de rémunération pour deux raisons. D’abord parce que cela complique la gestion du système et augmente la bureaucratie. Ensuite parce que cela crée une sorte de jeu de monopoly incitant les employés à acquérir les tâches les plus payantes pour arrondir leurs fins de mois.
- Le new work repose sur la responsabilité et sur la conduite individuelle. Plutôt que de valoriser les seules tâches de direction, le système salarial peut honorer les fonctions vitales pour l’organisation. Les postes générant le revenu de l’entreprise ou s’exprimant publiquement au nom de celle-ci peuvent ainsi être reconnus au même titre que les fonctions de management.
- Avec les nouvelles formes d’organisation, le système salarial est appelé à devenir plus simple et plus transparent. Il ne doit pas se complexifier. Les systèmes classiques intègrent toute une série de variables qui ne sont pas toujours objectivables, à l’instar de la mesure des compétences sociales. Le nombre de ces variables peut être réduit. La prise en compte de l’âge est par un moyen parmi d’autres pour intégrer à la fois l’expérience professionnelle et l’expérience de vie.
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