La transformation d’une organisation n’est pas le fait d’une seule personne. Si l’attention se tourne souvent vers le capitaine, c’est en réalité l’équipage qui fait avancer le navire. Une fois le signal du changement donné avec une mesure phare, des relais sont indispensables dans les équipes pour faire souffler le vent du changement dans l’organisation.
L’association de Pascal va être intégrée dans une grande organisation faisant plus de dix fois sa taille. Cela est un choc pour l’équipe. Comment rejoindre une structure plus rigide et plus lourde quand on travaille de manière agile ? La peur s’installe. La créativité de l’association va-t-elle être étouffée dans ce nouveau contexte ?
Pascal rejoint la direction de la nouvelle entité. Avec l’accord de son nouveau directeur, il propose de donner carte blanche à une petite équipe pour explorer une troisième voie permettant de tirer le meilleur parti des cultures de travail des deux organisations. L’idée est de permettre à une nouvelle culture commune d’émerger sans qu’elle soit dictée à l’avance par la direction. Le top management n’est pas chaud. Ses membres redoutent que cette expérience éveille des attentes disproportionnées dans l’organisation et soit impossible à canaliser. Ils expriment leurs doutes sans pour autant mettre des bâtons dans les roues de l’entreprise.
Un appel à candidature est lancé dans l’organisation pour constituer l’équipe du futur « hub de transformation ». Les personnes intéressées sont appelées à formuler leur motivation dans une lettre de postulation. La direction met en place une commission électorale indépendante pour examiner et trier les dossiers. Quatre personnes représentatives de la nouvelle organisation sont élues. Elles reçoivent un budget, un forfait d’heures de travail et un accompagnement externe pour mener à bien leur mission.
En quête d’inspiration, le hub de transformation va à la rencontre des gens au sein de l’organisation. Dans les différents départements, au travers d’un sondage suivi d’interviews, il se met à la recherche des moment « waow », c’est-à-dire des expériences vécues où le travail était particulièrement fluide et motivant. Il cherche à comprendre les conditions qui ont permis un bien-être et un alignement optimal dans le cadre professionnel. Sur cette base, le hub développe quatre brefs modules de formation pour transmettre aux autres collaborateurs ces ingrédients magiques sur la manière de s’organiser en équipe, de gérer des séances ou de se donner des feedbacks.
Les sessions de formation du hub sont facultatives. Mais elles répondent à un réel besoin. De plus, elles n’émanent pas de la direction mais sont conçues et dispensées par des pairs des employés de l’organisation. En l’espace de douze mois, le tiers des effectifs a déjà suivi les modules de formation du hub de transformation.
La mise en place du hub de transformation est elle une décision symbolique. Elle manifeste que le changement n’est pas l’affaire de la seule direction et la confiance de celle-ci dans la sagesse des collaborateurs pour en identifier les leviers.
La confiance exprimée n’est toutefois pas un chèque en blanc. Le processus de mise au concours se fait sur la base d’un catalogue de critères (compétences, expérience, connaissance de l’organisation, représentativité) auquel les candidats doivent correspondre. La représentation des différentes unités organisationnelles, de la commission du personnel et des cadres intermédiaires dans la commission électorale contribue à une large acceptation du processus.
Les membres du hub de transformation deviennent des ambassadeurs du changement parmi leurs pairs. Ils sont d’autant mieux acceptés qu’ils peuvent leur parler sur un pied d’égalité. Il vaut la peine d’investir du temps dans la constitution du groupe d’ambassadeurs pour qu’il soit uni et suive une même ligne. Cela ne peut que renforcer sa crédibilité auprès des collaborateurs. A plusieurs, ils ont un rayonnement plus grand qu’une seule personne faisant un « one man show » : ils incarnent une forme de travail de milice par opposition aux services d’un spécialiste. Il vaut donc la peine de répartir les ressources de travail allouées au projet sur plusieurs épaules. A ce stade, un coaching externe peut s’avérer payant pour permettre au groupe de trouver son identité et de développer une compréhension commune de sa mission et de ses tâches.
Les ambassadeurs sont à l’écoute de l’organisation. Leur rôle n’est pas d’élaborer une stratégie institutionnelle, de développer des concepts abstraits ou de réinventer l’entreprise. Il consiste plutôt à permettre aux équipes de mettre des mots sur la manière dont elles travaillent déjà concrètement ensemble. D’identifier ce qui est source de satisfaction et d’émerveillement dans le travail quotidien. Ce procédé permet de valoriser à double titre le savoir-faire présent dans l’organisation : de le mettre en lumière pour l’exploiter, mais aussi et surtout de le célébrer. Cette approche appréciative est utile pour focaliser pour une fois l’attention sur ce qui marche plutôt que sur ce qui ne marche pas. Un changement de perspective déclenche une dynamique positive et une spirale bénéfique. Il peut être contagieux. L’écoute active permet de concevoir des offres de formation interne dont le but n’est pas de corriger les carences de l’organisation mais bien d’amplifier les pratiques vertueuses qui y sont déjà établies.
Enfin, la formation de collègues par des collègues fait appel à une expérience commune. Elle favorise une certaine connivence que les responsables hiérarchiques et les consultants externes ne peuvent pas partager à cause de la distance inhérente à leur position.
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