Faut-il se jeter dans les bras du changement comme on se jette à l’eau froide ? Ou bien faut-il se donner le temps de s’acclimater progressivement ? Il y a plusieurs manières de se tremper dans la mer comme dans la transformation organisationnelle.
Les meubles de la cafeteria sont repoussés contre les murs. La mallette de bricolage trône par terre au milieu de la salle. Tout le monde est accroupi sur un sol jonché de posters, de paires de ciseaux et de tubes de colle. L’ambiance est bon enfant et a des réminiscences des sessions de travaux manuels à l’école.
Chaque membre de l’équipe a reçu la consigne de ressortir son cahier des charges de son tiroir. Dans une première étape, il s’agit de le compléter en listant avec exactitude toutes les tâches effectuées dans les faits et qui n’y figurent pas forcément. Dans un deuxième temps, les tâches et le descriptif de poste sont découpés et reconstitués par ensembles thématiques cohérents. Chaque lot constitue un rôle spécifique avec une mission et des prestations bien définies.
L’équipe se lâche pour trouver des noms évocateurs aux nouveaux rôles : elle compte désormais parmi ses rangs une « bonne à tout faire », un « grand argentier », un « pasteur » ou encore un « ostéopathe organisationnel ».
Les rôles ne sont pas définis sur la base idéale d’une organisation fantasmée : ils la décrivent telle qu’elle est aujourd’hui, telle qu’on la connaît dans ses moindres recoins. Recomposer et renommer les tâches existantes est un exercice ludique et créatif pour l’équipe. Il change déjà son regard sur l’organisation.
A l’issue de l’exercice, chacun affiche ses rôles dans son bureau comme une nouvelle pièce d’identité. Les locaux se transforment dans les jours qui suivent en une exposition interactive où visiteurs et artistes se renseignent mutuellement sur les rôles qu’ils exercent. Ces rôles sont le point de départ du nouveau fonctionnement de l’association. Ils évolueront au fil du temps. La nouveauté vient moins d’une nouvelle répartition des tâches que d’un nouvel état d’esprit et du fait que les rôles sont maintenant visibles aux yeux de tous.
A la question de savoir si le changement doit être introduit en une fois ou progressivement, chaque organisation répond différemment. Pour marquer une césure, certaines entreprises font le choix de changer de mode de travail de manière nette après une phase de préparation. Une autre approche consiste à avancer par étapes en introduisant un nouveau fonctionnement de manière pilote dans certains secteurs. Elle permet ainsi à deux modèles de coexister pendant un moment.
Les deux manières de faire sont possibles et leur adéquation dépend du contexte et de l’histoire de l’organisation. Ma préférence va à la seconde parce qu’elle permet de tenir compte des rythmes très différents d’un individu à l’autre pour aborder le changement de paradigme. Dans ce sens, il n’est pas impératif de changer radicalement l’architecture de l’organisation dans le passage d’un modèle à l’autre. Les départements peuvent dans un premier temps être traduits en cercles. A partir de là, ils peuvent évoluer (ou non) en fonction des besoins et des prises de conscience imposés par la nouvelle approche de travail. Les adaptations qui font sens ne sont pas tout de suite évidentes et peuvent ne se révéler qu’au fil du temps. Il n’est pas non plus nécessaire de changer une répartition des tâches et des compétences qui fonctionne bien simplement parce qu’on change de modèle de management.
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