Pascal met ses habits dans un carton pour les apporter à la brocante. Avec sa perte de poids subite, il flotte dans ses vêtements. Les pullovers et pantalons qu’il appréciait tant jusqu’ici ne lui vont pas. Ils sont non seulement devenus trop grands, mais leur style ne lui convient plus. Pascal n’aimait jusqu’ici pas le contact trop rugueux des jeans sur ses jambes. Il évitait les chemises dont la texture le faisait vite transpirer. Le noir était banni de sa garde-robe depuis qu’une conseillère en couleurs, qu’il avait consultée vingt ans plus tôt, lui avait affirmé que cette couleur le rendait pâle. Son armoire accueille maintenant toutes ces pièces d’habillement avec quelques tailles en moins. Sa physionomie change, tout comme la façon dont il se perçoit.
Avant de charger le carton d’habits dans la voiture pour aller à la brocante, Pascal y glisse encore son dernier complet veston et sa dernière cravate. Il avait porté des habits formels tantôt par obligation professionnelle, tantôt par obligation familiale, sans avoir jamais trouvé un style qui lui convienne. Il les avait progressivement jetés au fil des ans tout en en conservant un ultime set au cas où il en aurait besoin. Il n’est maintenant plus nécessaire à Pascal de se parer à une telle éventualité. Il n’a pas besoin de costume, il se présentera à l’avenir tel qu’il est.
Quelques semaines plus tard, Pascal est couché sur la table du salon de tatouage. Le tatouage s’est imposé à lui comme une évidence. Besoin d’un rite de passage, besoin d’acter sa transformation dans sa chair, de manifester qu’il n’y a aucun retour en arrière possible. Choix intuitif et impulsif. Pascal se lance sans hésiter. Ni lui ni Blake, son tatoueur, ne soupçonnent être seulement au début de leur processus de création.
Au fil des mois, les essences s’invitent sur le corps de Pascal au fil de ses rencontres avec le règne végétal. Chaque fois comme une nouvelle évidence. Blake le décrit avec justesse : les ornements qui s’accumulent sur la peau de Pascal sont comme une énergie qui lui permet de se relever.
Petit clin d’oeil du destin au terme de la démarche artistique: Pascal tente une incursion dans la basilique San Miniato al Monte de Florence. Son atmosphère paisible l’avait marqué durablement lors de sa première visite comme étudiant en théologie trente ans plus tôt.
L’été bat son plein et il gravit la colline menant à l’édifice religieux en tenue légère. Il se réjouit de pouvoir bientôt se reposer à l’ombre du sanctuaire. Dans la fraîcheur de l’entrée, un gardien inspecte la tenue des touristes. Il interpelle Pascal dès qu’il pose le pied à l’intérieur de l’édifice. Son regard s’est tout de suite planté sur ses tatouages. Pas question d’aller plus loin.
Si de nombreuses opportunités se sont ouvertes lors de son parcours, certaines portes sont désormais closes pour Pascal !
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