Religion du livre et tradition orale

Retour sur les bancs de paroisse pour le culte de fin de catéchisme de Yaëlle. La vénérable église du centre-ville est plus remplie que d’habitude grâce aux familles des quelques catéchumènes qui se sont déplacées pour l’occasion. Les chants de l’assemblée résonnent dans l’édifice séculaire désormais surdimensionné pour la vie paroissiale. J’essaie de ressentir l’énergie dégagée par le lieu. C’est l’image des pigeons peuplant les alentours qui me vient. Les murs blancs et élevés, décorés de fresques par endroits, évoquent autant l’attache à un foyer que le mouvement de l’envol pour colporter un message. L’ambiance me fait penser à la brume matinale grise que le soleil, tout proche, illumine de reflets argentés. Le lieu est ancré et il invite en même temps à s’élever, mais pas trop haut.

La liturgie et les mélodies me sont familières. J’apprécie, d’une certaine manière, de me retrouver en terrain connu. Je me sens aussi un peu flotter, comme si je prenais du recul et de la hauteur par rapport à la cérémonie qui se déroule sous mes yeux. Le sermon est bien amené. Il n’est pas trop long non plus. Le pasteur de paroisse est un bon communicateur. Je reste pourtant sur ma faim. Je ressens ici aussi, de manière diffuse, une vibration basse dans mon corps. La référence au Livre, la nécessité de remettre en contexte un message énoncé il y a des millénaires dans une autre culture et l’exigence morale qui en découle ne me satisfont plus. J’adhère à la démarche intellectuelle, et je sais en apprécier la rigueur. Mais mon corps ne suit pas. Je trouve le tout assez lourd. Je réalise que l’amour capturé dans un texte millénaire, prêché puis décortiqué reste coincé dans ma tête. Je n’arrive pas à le sentir. Il est désincarné.

Le Livre passe pour moi au second plan pour me connecter à la toile du Vivant, irrigué par l’énergie du fleuve que je traverse, submergé par la grandeur de l’arbre qui m’offre sa protection. Relié au Vivant, je ne disserte par sur l’amour, mais je le vis intuitivement. Je vibre différemment, je me sens léger. J’essaie d’apprendre à ressentir ce qui est juste dans mon écosystème, naturel ou humain. Ce n’est pas un hasard si beaucoup de sagesses ancestrales se transmettent oralement : pour qu’elles ne restent pas dans la tête mais qu’elles puissent descendre dans le corps et s’incarner dans le ressenti des sens.

Comments are closed

Latest Comments

Aucun commentaire à afficher.